A mon grand regret - Pascale Savin
- Le 18/02/2022
- Dans Chroniques
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Chaque humain est un acteur au théâtre de l’Histoire
L’Histoire n’est pas composée que de grands événements survenus à des personnages illustres. Dans notre mémoire, il y a l’empreinte de gens que nous n’avons pas connus mais que nos parents nous ont racontés. Nous avons vu briller dans leurs yeux la présence vivante de souvenirs partagés et ils nous ont émus.
C’est exactement la sensation que j’ai éprouvée en lisant le beau témoignage que nous livre Pascale Savin. Par une recherche approfondie, elle a redonné la vie au docteur Marc Grunberg, un homme qui n’était plus qu’un nom sur un monument au mort. Non pas de la façon habituelle qui impose le respect d’un deuil collectif, mais en donnant l’impression que ce médecin était un de ses aïeux.
La gentillesse, le charisme, l’honnêteté et les qualités professionnelles de ce médecin de campagne auraient sans doute, en d’autres temps, permis à cet homme bon de finir ses jours paisiblement au milieu des gens qu’il aimait, dans le village où il avait choisi de vivre. C’était sans compter sur l’Histoire qui allait s’abattre sur son sort : le corps médical soudain fermé aux étrangers, alors qu’il aurait dû être protégé par une convention internationale ; l’évolution de la législation française sur les naturalisations ; l’acharnement d’une coalition barbare sur la population juive.
À mon grand regret, dirai-je à mon tour, nous perdons la trace des hommes et des femmes de tous les jours que nous avons côtoyés, nous les oublions. Merci à Pascale Savin de nous rappeler qu’aucune vie n’est ordinaire. Son travail n’est pas la simple biographie d’une historienne, c’est celui d’une femme passionnée de relations humaines.
Résumé :
Au pied du monument aux morts de Morteaux-Couliboeuf (Calvados) une plaque de onze noms rend hommage à ceux disparus entre 1939 et 1945. Parmi eux, deux déportés dont Marc Grunberg. C’est aujourd’hui la seule trace de cet homme qui a été le médecin du village durant quatre ans (1938-1942) et rien pour indiquer la particularité de son parcours. Marc Grunberg est juif roumain. Il naît sur les bords de la mer Noire en 1906, fait ses études à Strasbourg puis s’installe en Normandie. En 1942, il est arrêté comme otage à la suite du sabotage d’un train allemand. C’est dans un des rares convois de répression qu’il part pour Auschwitz dont il ne revient pas. Marc Grunberg a toujours aimé la France. Il a appris notre langue, il a choisi d’y vivre et il a espéré obtenir la nationalité française. Vaine illusion. Son parcours est celui d’un juif étranger qui malgré tous ses efforts pour s’intégrer se heurte sans cesse à une fin de non-recevoir. Ce livre reconstitue et éclaire son histoire. Marc Grunberg a désormais un visage. Mais il est maintenant plus qu’un nom sur un monument aux morts.
Pascale Savin est professeur d’histoire. En 2011, un projet pédagogique l’amène à découvrir le nom de Marc Grunberg. A partir de cet instant, elle se lance dans une enquête personnelle sur cet homme qui lui permet aujourd’hui de présenter cette biographie
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